Lou rat de villa et lou rat dos
champs
Djins lou tchion, ün rat de
villa
Doutà de noblous ponchants,
Fit dj'una façonn civila,
Mandâ soun frâre dos
champs.
Un repas de bateyailles
Serre fat djïns sa meissoun ;
Par assures les voulailles
Vou'erre dounc bion de seisoun.
Deja, sus la jonta nappa,
Davant lous mets rassomblàs,
Tous lous dous riant sous cappa
D'être si bion
éinstallàs.
Sans cornichoun ni mounterla
Par se bettâ d'appetchit,
Eis l'ayant d'abô coutchit
Plus vitou qu'una boucherla !
Au mé djiquais cop de lichi,
Qu'eis fasiant si crânamont
De vais la porta, una fichi
Fit ontondre ün quinamont.
Sans pas niéu finî soun
verrou
Lou rat de villa s'écound ;
L'aôtrou, que s'émuâve
guêrou,
Moudait ronque lou segound.
Vou n'erre ronque una alerta ;
Lou brut ne se porsiéut pas ;
Mais lous rats plourount la perta
De la fin do boun repas !
Alo, lou bais, djit sans brûre
Moun frâre lou montagnà,
Retornouns dounc vitou assûre
La saôça a plenna pugnà
!..
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Le rat des villes et le rats des
champs
Autrefois le Rat de ville
Invita le Rat des champs,
D'une façon fort civile,
A des reliefs d'Ortolans.
Sur un Tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.
Le régal fut fort
honnête,
Rien ne manquait au festin ;
Mais quelqu'un troubla la fête
Pendant qu'ils étaient en
train.
A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit :
Le Rat de ville détale ;
Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire :
Rats en campagne aussitôt ;
Et le citadin de dire :
Achevons tout notre rôt.
- C'est assez, dit le rustique ;
Demain vous viendrez chez moi :
Ce n'est pas que je me pique
De tous vos festins de Roi ;
Mais rien ne vient m'interrompre :
Je mange tout à loisir.
Adieu donc ; fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre.
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